02/01/2015
L'Ambassade de France à Ottawa, 2e chapitre. Publication n°24
"Une extraordinaire impression de force, de couleur et de plénitude frappe les hôtes de l'Ambassade de France lorsqu'ils pénètrent dans la grande salle à manger. Les quatre murs sont occupés par une grande composition que réalisa Alfred Courmes entre décembre 1937 et juillet 1939. C'est à une bucolique promenade en Provence que nous convie l'artiste lorsque nous contemplons cette oeuvre monumentale, dont le titre est très évocateur: "La France heureuse". Cette France de 1936, celle des premiers congés payés, celle aussi ou s'annonce la Seconde Guerre mondiale." Jean Paul Ledeur, Les années 30 sur les rives de l'Outaouais, 1993.
La grande salle à manger de l'Ambassade de France à Ottawa.
"Il parait utile de situer l'ampleur de la tâche entreprise par l'artiste. L'ensemble des 10 panneaux recouvre 120 mètres carrés, et 243 personnages, auxquels s'ajoutent 90 animaux, y sont représentés. Alfred Courmes s'imposera une véritable gageure en réalisant son oeuvre à la peinture à la cire. C'est une technique Raphaélique d'un maniement difficile, complexe, mais qui donne à l'ensemble des tonalités chaudes et profondes." Jean Paul Ledeur, Les années 30 sur les rives de l'Outaouais, 1993.
Plan d'implantation des différentes scènes composant la peinture murale de "La France heureuse". Collection particulière.
"J'ai travaillé deux ans à "La France heureuse" [...] J'avais emporté avec moi de Paris tous les matériaux nécessaires. Tout en refaisant mes dessins, je préparais moi-même mes couleurs. Avec la cire dissoute dans l'essence mélangée de gomme, j'obtenais une peinture très agréable à manier. Elle s'étendait facilement. Je pouvais revenir indéfiniment sur cette matière et obtenir des tons riches et profonds sur un support mat. Partant de mes dessins que j'avais soignés, je les mettais au carreau sur le mur préparé et je peignais mètre carré par mètre carré."
Alfred Courmes peignant "La France heureuse". © Yousurf Karsh
Lucile Courmes et son fils Philippe sur l'escabeau de l'artiste.
"J'abandonnais la théorie que l'on pourrait dire à l'ancienne, selon les techniques de Puvis de Chavannes, où le mur doit commander la décoration et le sujet garder un aspect plat qui préserve l'apparence du mur. J'accentuais l'importance du dessin pour "trouer" le mur. Autrement dit, je créais des perspectives pour faire reculer l'horizon et ouvrir ainsi systématiquement le mur dans l'espace. Je me suis inspiré de l'école vénitienne où les personnages vivent et agissent au devant de la scène, mais dans le fond surgissent des architectures, des paysages qui mettent en valeur les acteurs de la fresque, les identifient et les situent dans leur histoire"
"La France heureuse" 1939, peinture à l'encaustique sur plâtre, panneau principal, mur sud. Fonds national d'art contemporain. ©adagp
"Avec "La France heureuse", Courmes signa un brillant morceau de peinture [...] Certaines natures mortes sont des morceaux dignes des grands maîtres de l'histoire de l'art et l'on demeure saisi par le naturel des pommes de la grande composition, des poissons du marché et surtout du sac rayé accroché à la chaise de la femme en rouge, tournant le dos au spectateur..." Jean Fouace, Ottawa, Ambassade de France, 2010, Éditions internationales du patrimoine.
"La France heureuse" 1939, peinture à l'encaustique sur plâtre, , mur nord "La plage", "Le marché aux poissons" et "La chasse", mur est "Le vin". Fonds national d'art contemporain. ©adagp
"La France heureuse" 1939, peinture à l'encaustique sur plâtre, , mur Ouest, "Les conscrits". Fonds national d'art contemporain. ©adagp
"J'ai imaginé la composition pour obtenir le maximum d'effet, à la manière d'une tapisserie qui couvrirait les murs de la pièce, sans chercher à simplifier ni l'ensemble, ni le détail, ce qui aurait changé complètement le caractère volontairement touffu des compositions. L'emplacement oblige à un grand fini dans l'exécution... Tous les personnages sont situés à hauteur de vue et tout doit être rendu, les nus, la draperie, les terrains, les plantes, les animaux"
"La France heureuse" 1939, peinture à l'encaustique sur plâtre, détails. Fonds national d'art contemporain. ©adagp
"Bien que l'oeuvre n'ait pas été terminée pour l'inauguration, le journaliste du "Canada" discernait dans le travail de Courmes «cet accent du meilleur ton, cet esprit créateur qui maintient la France à un rang unique dans le domaine de la peinture»". Jean Fouace, Ottawa, Ambassade de France, 2010, Éditions internationales du patrimoine.
Vous découvrirez dans le prochain article consacré à l'Ambassade de France à Ottawa, les autres artistes qui ont participé à la décoration de ce bâtiment et l'histoire, un temps malheureuse, de la fresque d'Alfred Courmes...
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Commentaires
Très intéressant. L inscription de l œuvre dans l évolution architecturale liée à la période art-déco (certes finissante en 1937) a-t-elle été étudiée ?
Écrit par : Olivier Rogar | 11/01/2015
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